Chers Tous
Loin de ma lampe aimée, loin de notre Alsace trop ennoellée à mon goût, loin de cette maison lumineuse et calme posée à l’Engelgarten qui nous offre cette respiration paisible permettant une vision claire de la situation vacillante du Monde, du changement climatique qui impacte chacun désormais, du rôle espéré du Vin et des Climats dans nos vies demain, je m’essaie une fois encore aux Vœux de l’An Neuf. Pour nous 2023 a été facile et paisible en apparence : nous en retiendrons un soleil immobile, une canicule tenace qui aurait pu, sans soin, anéantir dans les fruits, cette vibration nourricière indispensable à la production de Grands Vins. Finalement comme pour les cerises printanières, l’annonce pléthorique s’est conclue par une récolte de poche, un rendement au Domaine de 34HL/Ha qui mesure combien finalement, cette sècheresse persistante aura été prédatrice pour le vignoble. Heureusement les vins sont grands, bien constitués au plan énergétique, d’une typologie nouvelle, mystérieuse car sans référence connue : une nouvelle Alsace climatique se dessine peu à peu, entre Orange et Avignon… 2023 aura vu la poursuite des affrontements à l’Est et la reprise du cycle infernal des pogroms et autres colonisations au Moyen Orient dont on perçoit clairement qu’ils pourraient déboucher sur un bouleversement des grands équilibres passés. Partout la haine, la xénophobie, la domination, le pouvoir rendant fou, l’argent roi, la croissance majeure des inégalités et la prédation injustifiable des ressources finies. Avec plus que tout le sentiment que le bon sens, les moyens de la politique, la négociation collective et la capacité individuelle à la reforme s’avèrent insuffisants à la mise en œuvre d’une évolution vertueuse. Car si petite soit-elle, cette réforme exigerait des partenaires qui se parlent et s’écoutent, or partout fleurit l’invective, le chaos, le mensonge institutionalisé, la connivence des intérêts mafieux, la violence sournoise et la confiance bafouée. Des grandes entreprises imitent désormais les Etats dans l’organisation méthodique de l’insécurité de leurs clients… comme ces citoyens cocus de décisions contradictoires qui toujours les dépassent… Alors que vous souhaiter en 2024 ? Cette année bissextile, traditionnellement crainte par les vignerons car proposant souvent des changements climatiques brutaux, des pluies tenaces au printemps, des étés pourris et des vendanges chaotiques, beaucoup d’efforts avec parfois au bout quelques bons vins ? Espérons d’abord que malgré ces aléas craints, tout se passera bien, que la Nature comme nous choisira le camp de la bienveillance. Concernant la situation politique, formons le vœu pieux d’un apaisement général, d’une détente sur tous les fronts faute de munitions et de relèves belliqueuses bien que la haine et la revanche sont des combustibles puissants, jamais totalement éteints … Au plan plus personnel je vous souhaite de trouver dans ce vœu de bienveillance renouvelée, dans la solidité de vos familles, dans la clairvoyance quant aux faits et aux êtres, l’énergie de repartir au combat quotidien… sans omettre toutefois quelques conseils plus précis pour la route : évitez des lieux de pouvoir et les gens toxiques. On ne peut rien pour eux et leur fréquentation est destructrice ! Evitez les clairs obscurs moraux, les demi-décisions pour faire plaisir, les non-dits sinueux et autres silences stratégiques qui cachent autant de défaites amères. Choisir avec soin ses amis et confidents sans hésiter jamais à quelques Crash test vérifiant la sincérité des liens. Et puis au bout de ce travail exigeant, surhumain presque parce qu'il se paye presque toujours en monnaie de solitude, trouvez dans la Nature souveraine la consolation des humbles, le repos du cœur, ce « Walden » rêvé ! Oui je vous souhaite pour 2024 un « Walden » bienveillant, qui commencera par la lecture de ce livre majeur de David Henri Thoreau qui raconte sa retraite dans la foret profonde, au bord de cet étang où furent forgés les concepts de responsabilité citoyenne, d’opposition non violente aux institutions illégitimes, d’écologie politique si nécessaire, d’obligation du retour à la Nature et surtout cet hymne à l’anticonformisme d’autant plus indispensable que nos sociétés nient l’inégalité des talents individuels et n’attendent de nous que l’acceptation silencieuse de notre servitude volontaire. Lire et pratiquer Walden reste le plus sûr moyen d’illuminer cette année 2024 qui vient. Pensez-y chaque jour : vous y trouverez la lumière du ciel, le chant des oiseaux, l’innocence de la forêt, la magie du matin qui emplit la journée entière passée lumineuse entre les mains de Dieu. Que 2024 nous accueille et nous accepte, frêles passagers d’une petite planète bleue surchargée, radeau de la Méduse de nos inconséquences inqualifiables, de nos comportements d’enfants rois…. De nos espérances frénétiques aussi, jamais apaisées et renouvelées une fois encore comme on jette quelques mots sur une feuille, une bouteille à la Mer… Puissions-nous n’apprendre comme Bernard de Fontaine, comme Olivier de Serres et tant d’autres après eux, paysans sages et silencieux, n’apprendre vraiment que des arbres, des fleurs et des vignes qui nous aiment eux, d’un amour sans mesure.
Jean Michel DEISS